Beaucoup de choses nous blessent, matériellement ou moralement, même si c’est paradoxal dans nos sociétés européennes qui ont connu près de quatre-vingts ans de paix et dont les conditions de vie sont parmi les meilleures du monde.
Même notre devise française « Liberté, Egalité, Fraternité » peut être source de frustration pour chacun en ce qu’en tant qu’idéal à viser, chaque écart ressenti constitue une souffrance qu’il faudrait immédiatement réparer.
Nos blessures personnelles doivent être guéries mais toutes les autres le méritent aussi.
Ces blessures nous stimulent et deviennent le moteur de nos vies. Nous les découvrons, nous nous en alertons et nous nous mettons à la recherche de leur guérison. Cette quête constitue pour certains l’aventure de leur vie.
Ceux qui en témoignent - diffuseurs d’alerte, victimes d’une maladie ou d’un accident, découvreurs d’un mal ou d’un remède jusqu’alors inconnu – deviennent des inspirateurs pour la vie des autres.
Et on aurait presque l’impression que plus forte a été la blessure, plus réparateurs sont sa connaissance et son partage.
Quand on s’éveille à soi et qu’on découvre progressivement le sens que l’on veut donner à son parcours futur, il est toujours utile de retrouver dans son passé, dans sa jeunesse, les faits marquants qui éclairent nos choix ; le fait est que ce sont plus souvent des moments douloureux que des moments heureux que l’on y trouve.
Est-ce à dire que si, à un moment ou à un autre, vous n’avez pas été blessé ou si vous n’avez-pas partagé la souffrance d’un autre, vous ne vous éveillerez jamais à vous ? Serions-nous ainsi condamnés à souffrir pour espérer vivre pleinement.
Pourtant, on peut imaginer facilement que beaucoup d’entre nous ont vécu une enfance heureuse, se trouvent comblés en famille, ont d’intenses satisfactions dans la vie sociale et n’ont jamais eu l’occasion d’être atteint par un mal sérieux. Ceux-là passent-ils dès lors à coté de leur vie, ou passent-ils leur vie sous anesthésie ? Faudrait-il qu’ils sortent de leur zone de confort ou se trouvent des raisons de se sentir victimes pour vivre vraiment ou au moins prendre conscience de leur état.
Et bien non. Pour s’éveiller à soi, il suffit d’aimer la vie, de savoir reconnaitre ce qu’elle nous apporte, la chaleur d’un rayon de soleil, la fraicheur de l’eau d’un torrent, l’acidité d’un citron, le pouvoir communicatif d’un rire. Il suffit juste d’être attentif au plaisir quand il est là et de ne pas oublier de s’en réjouir.
Plus généralement toutes nos émotions et la conscience de nos émotions sont une source d’éveil à soi, et parmi celles-ci, pourquoi pas, les émotions positives : le plaisir bien sûr, mais aussi la sérénité, la joie, l’amour, la curiosité, l’espoir, la reconnaissance et bien d’autres.
Et dans la reconnaissance, il y a la sienne propre, dans la durée. Celle qui consiste à imaginer que l’on peut se choisir et viser un but (pour dans un, deux ou trois ans) pour lequel, une fois atteint, on sera reconnu par soi-même, par son entourage et par la société.
Nous n’avons pas forcément besoin d’une blessure pour nous réveiller. L’engagement délibéré vers l’accomplissement d’un désir, la réalisation d’un rêve est un moteur d’éveil à la fois exigeant et stimulant. Si ce rêve est suffisamment merveilleux il peut éclairer une vie en révélant le rôle qu’on peut jouer dans le monde.